La mort comme passion

Projet en cours

La mort. C’est un sujet qui fascine, autant qu’il fait peur. Et pourtant elle représente notre unique porte de sortie. On l’a craint plus que l’on ne l’apprivoise. Mais si on apprend à la regarder autrement, elle parait moins effrayante. Parce que dans la mort, il y a des gens qui s’appliquent à la rendre belle. Qui lavent les corps ou les tombes avec la plus grande attention; qui donnent au cimetière l’aspect d’un paisible jardin; qui écoutent les tristesses et sèchent les larmes; qui décompléxifient la mort et veulent en rire; ou qui bâtissent à l’avance leur tombeau. Des gens qui ont choisi de travailler aux cotés de la mort et qui essaient de la rendre plus belle. Je suis partie aux quatre coin de la France à la rencontre de ces gens là, qui ont fait de la mort, leur métier et leur passion.

Gardien de cimetières de père en fils

Sur les hauteurs de Nice, au cimetière du château le soleil vient annoncer l’automne. Les croix des tombes s’érigent derrière le calme de la mer et les toits de la ville.
Dans ce paysage bucolique les Vial s’occupent avec dévouement du lieu.
Gardiens de cimetière de père en fils depuis 5 générations, ils nous parlent de ce métier qui les passionne.

Max Vial, la soixantaine, une moustache blanche bien dessinée et le regard bienveillant a fait sa carrière dans les cimetières. « Au final il n’y a pas d’originalité. Comme Obelix, on est tombés dedans tout petits ! », dit-il avec le sourire « après c’est à celui qui voulait prendre la suite ». Romain, son fils, est devenu gardien de cimetière « un peu par hasard » il y a cinq ans. Attaché au cadre dans lequel il est né « je jouais dans ce cimetière quand j’étais petit », son père est aujourd’hui fier qu’il prenne la relève. A Nice, les Vial sont des figures emblématiques. « Il y a plein de gens que je croise et à qui je dis que je suis le fils de mon père. Ils ne me connaissent pas mais ils sont contents qu’il y ait un Vial qui prenne la suite. Sans rien faire je rends heureux certaines
personnes ».
Dans le cimetière, curieux et habitués se croisent. Ce champ de repos, « c’est un peu comme un parc » décrit Max ; les gens viennent s’assoir sur un banc et restent l’après-midi à bouquiner. « Il y a tout le temps de la vie dans les cimetières ».
Certains y viennent aussi pour parler et se confier. Un homme en plein deuil après la mort de son fils a pris l’habitude de venir au cimetière quotidiennement ‘’Vous êtes mon seul interlocuteur de la journée’’ a t-il dit un jour à Romain. « Pour eux, vous êtes un parent, un confident », ajoute Max.
« Gardien de cimetière ça été très dur. Au début ce qu’on me faisait faire c’était enterrer les enfants. Je suis resté parce que je me suis aperçu que les gens ont besoin de parler après le décès d’une personne, et dans les cimetières, la seule personne à qui l’on parle c’est au gardien des lieux. Pour faire ce métier, il faut être proche des gens. »
Pour Max, ce métier lui était prédestiné « pourquoi j’ai pas fait gendarme, CRS ou autre chose ? Moi je pense qu’il n’y a pas de hasard, je devais être gardien de cimetière, c’est tout. Ma mission était de rendre service aux gens, de parler avec eux, de les comprendre et les accompagner dans les mauvais moments. C’est pour ça que j’ai trouvé que c’était un très beau métier. »
Selon lui, les habitués sont attachés au gardien de cimetière.
« Le dernier qui est mort c’est Marcel. Il me demandait ‘’quand est-ce que vous prenez la
retraite ?’’ , je lui répondais ‘’à 65 ans’’. Il a dit à tous ses amis ‘’Je veux que ce soit vous qui m’enterriez, il n’est pas question que vous partiez avant que je meurs’’, je lui disais ‘’Mais arrêtez, ne dites pas des bêtises comme ça Marcel !’’. On est partis en Grèce fin juin pour des vacances, il était encore en forme à ce moment-là. A mon retour on m’a annoncé sa mort. Je prenais la retraite le 15 juillet. Le dernier jour de mon service j’ai enterré Marcel. C’est pour ça que je vous dis qu’il n’y a pas de hasard. Quand je suis arrivé à l’enterrement sa femme a dit ‘’Il y a Max ‘’. Tout le monde a dit ‘’Ah c’est vous Max ! Bah mon vieux c’est vous qui allez l’enterrer, il a vraiment tenu sa promesse !’’. Et après je suis partis à la retraite.
Des histoires comme ça Max en a à la pelle et son métier il pourrait en parler des heures avec toujours la même intensité.

« Un vrai gardien de cimetière c’est un être comme un autre. On est plus sensible sur certaines choses parce qu’on sait que la vie vaut la peine d’être vécue même si des fois on en bave un peu. » Aujourd’hui Max est à la retraite mais continue à se rendre au cimetière. « Ce qui me manque le plus ce sont les gens ». Avec une mélancolie heureuse, Max quitte son métier et passe la relève à son fils à qui il a communiqué sa passion. Celle d’aider les vivants à préserver les morts.

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Rencontre autour de la mort

Jacques Muller est l’une des personnes qui a inspiré ce projet. Conseiller funéraire à Sarreguemines depuis près de vingt-ans, il s’est occupé du corps de ma grand-mère avec attention. J’ai voulu parler des gens comme lui. Des passionnés de leur métier qui se dévouent pour respecter la dignité du défunt avec le plus grand soin. 
Malheureusement je n’ai pas pu le suivre au coeur de son métier car, atteint de dialyse il a été contraint à l’arrêt de travail. Ainsi, ce son est un échange entre Jacques, mon grand-père et moi ; La mort est abordée de manière décomplexée et pleine de bienveillance.